Par Anne-Sophie Novel, Docteur en économie, blogueuse et journaliste 2.0 spécialisée dans l’innovation éco-sociale et l’économie collaborative.
N’est-il pas désolant de constater à quel point l’écologie est absente des débats présidentiels ? Absente lors des échanges des primaires de droite, elle ne devrait pas émerger non plus dans les débats de la primaire de gauche. Seuls Jadot, de fait, et Mélenchon, poussent cette question dans leurs discours et leur programme… Ce vide dans le débat public offert par les prétendants à la fonction présidentielle ne devrait pourtant pas nous faire oublier que les démocraties occidentales mériteraient de mieux considérer l’alarme climatique et écologique comme une occasion de revoir le fonctionnement de nos instances représentatives, hélas trop souvent soumises au pouvoir des lobbies, au court-termisme de l’actualité, au rythme des mandats…
Sur le sujet, les travaux de Dominique Bourg et Kerry Whiteside, auteurs de Vers une démocratie écologique (Seuil, 2010) sont éclairants : pour eux, la démocratie représentative devrait être complétée par des institutions dans lesquelles experts et ONG auraient le premier rôle. Ainsi, une “Académie du futur” et un “Sénat du long terme” permettraient de prendre en compte une société au sens élargi, incluant les plantes, les animaux et les entités « non-humaines » telles que définies par Bruno Latour (forêts, océan, etc.).
Leur propos replacent également le progrès technologique et l’économie à leur juste place. « Nous avons appris à nos dépens qu’avec le changement climatique, la déplétion, c’est-à-dire la réduction de la couche d’ozone, les pseudo-hormones, la pollution nucléaire, que la domination de la nature pouvait engendrer à plus ou moins long terme des effets aussi dommageables qu’imprévisibles » déclaraient ces mêmes auteurs dans un article rédigé pour la Vie des Idées en 2009(1). Pour eux, le monde dans lequel nous sommes entrés est très différent de celui que l’on a quitté, si bien que c’est une erreur de croire que les outils actuels pourront nous aider à changer la donne.
« Il y a, en effet, une contradiction désormais frontale entre le cahier des charges de nos sociétés, hérité de la philosophie du contrat, selon lequel il convient de permettre à chacun de produire et de consommer le plus possible, et la sauvegarde de ces nouveaux biens publics que sont la stabilité du climat ou l’intégrité des services écologiques. C’est un nouvel équilibre entre les droits de l’individu, et ce qui conditionne leur exercice, les biens publics en question, et plus largement l’intérêt collectif, qu’il va falloir inventer » expliquent Bourg et Whiteside.
Partant du principe que les pouvoirs publics sont la seule instance qui permette de préserver et de promouvoir l’intérêt général, il devient alors nécessaire de revoir le mode représentatif qui l’incarne. Cela implique de revoir notre rapport à la science, à la technologie, et d’envisager autrement nos institutions. « Il conviendrait d’associer au système représentatif l’intervention d’autres instances composées de sages/experts – du type conseil constitutionnel, conseil d’État à la française, commissions de sages ad hoc, etc. –, et de le conjuguer avec le principe participatif, voire avec la démocratie directe (style votations suisses ou référendum à la française) », plaident les deux auteurs pour qui il est nécessaire, dans cette configuration, de considérer la présence de non-spécialistes (ou non-experts) auprès des experts et des politiques, de manière « à débusquer d’éventuels préjugés mêlés aux témoignages des experts, de contester des choix politiques inopportuns, de débattre de l’acceptabilité de certains risques, d’exprimer des préférences parmi un large éventail de solutions de remplacement, d’injecter des valeurs humanistes – le souci de l’égalité, de la beauté, de l’équité – dans des discussions techniques ».
Dans cette perspective, un bon gouvernement est un gouvernement qui suscite un souci intense de protection de la « nature ». Ce qui n’est pas sans rappeler, d’une certaine manière, quelques uns des principes présents dans le Contrat Naturel de Michel Serres – entendu comme l’établissement d’un droit compris comme « limitation minimale et collective de l’action parasitaire »… Dans la pensée du sociologue, ce nouveau contrat ne pourra voir le jour qu’avec un travail d’éducation permettant l’apparition de « tiers instruits », des hommes (et des femmes!) à la formation intellectuelle plus adaptée à la complexité du monde, mais surtout « brûlant d’amour pour la terre et l’humanité »…
Vu la configuration que prend le monde actuel, tout porte à croire que l’urgence climatique combinée au manque d’action politique en la matière ne permettent pas de voir émerger suffisamment de tiers instruits pour voir se réaliser ce nouveau contrat social et naturel de si tôt…
(1) http://www.laviedesidees.fr/Pour-une-democratie-ecologique.html
« Le numérique change la fabrique de la décision politique »
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Schwarz
2 December 2016 at 17 h 28 min
Bravo à toute l’équipe pour cette excellente initiative! Besoin de réinventer notre système démocratique, d’imaginer des solutions alternatives. Et cela passera d’une part par les médias citoyens d’autre part par les collectifs des citoyens. Ils sont nombreux et nous devons avoir l’intelligence collective de passer d’une logique du “pour ou cpntre” à une logique du “avec”. Merci ! Julie, initiatrice du collectif citoyen pour une politique plus responsable, adhérente aux Colibris, signataire de la charte des Jours Heureux.